De Woody Allen.
Avec Joaquin Phoenix, Emma stone, Parker Posey, Jamie Blackley, Meredith Hagner, Ben Rosenfield, Susan Pourfar, David Aaron Baker.
Pour son film de l'année, Woody Allen nous présente un professeur de philosophie, Abe Lucas, désabusé, désenchanté et las de la vie, de ses expériences et que rien ne semble plus pouvoir ranimer.
Porté sur l'alcool et un brin dépressif, il attire malgré tout l'attention d'une collègue, Rita Richards - avec laquelle il entame une liaison - et d'une étudiante, Jill Pollard, éblouie par sa personnalité d'homme fantaisiste. Fascinées et admiratives de ce personnage fantasque revenu de tout, ses deux pseudo-prétendantes s'attachent à Abe, trouvant en cet homme un moyen de redinamiser leur existence.
Sous le charme de son nouveau professeur, Jill en devient la confidente et meilleure amie, passant des heures en sa compagnie à débattre de la morale et du sens des libertés.
Le plus grand hasard bouscule de façon inattendue le destin de tout ces personnages lorsqu'Abe et Jill surprennent la conversation d'une étrangère victime d'un abus de la justice. Abe prend soudain conscience que sa vie éteinte et morne peut à nouveau s'illuminer en rendant service à cette femme, et, par extension, à toute la société : il suffit "simplement" d'éliminer cet odieux juge corrompu responsable du malheur d'une innocente…
Mettant à exécution son projet machiavélique - qu'il réalise avec la plus déconcertante facilité -, Abe retrouve brusquement une pleine et entière joie de vivre, stupéfiant et désarçonnant son entourage par la justification aberrante de son crime : avoir supprimé un individu néfaste, une verrue, un fléau pour la société. Il argumente, insistant que son geste était légitime et compréhensible, cherchant à en relativiser ainsi la gravité.
Le film bascule alors dans une sorte de complaisante noirceur le rendant d'autant plus plaisant et délicieux.
Minuté, exact et travaillé, le film défile au rythme d'une musique jazzy et enchaîne les actions - aussi terribles soient-elles - en prenant bien soin de minimiser et banaliser chaque évènement de la plus incroyable des manières…
Le cinéma de Woody Allen a ici des airs de celui de Wes Anderson - je pense notamment à The Grand Budapest Hotel - par sa précision, sa rigueur ainsi que par la dé-dramatisation quasi-systématique des propos et des actions ce qui constitue alors toute la force et l'intérêt du film.
Léger, enlevé, provocateur, L'Homme Irrationnel invite malgré tout à la réflexion sur le sens de la morale en société. Tout est-il acceptable au nom et pour l'intérêt du bien commun ? Peut-on tout se permettre pour redonner un sens à sa vie ?
Scénario singulier, personnages fouillés et drôles, bande son entraînante, le dernier film de Woody Allen sait charmer le spectateur tout en distillant savamment humour noir, réflexions philosophiques et cynisme salvateur.
