Lost River

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RyoBleue
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Lost River

Messagepar RyoBleue » mar. 7 juil. 2015 20:59

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de Ryan gosling.
Avec Christina Hendricks, Saoirse Ronan, Iain de Caestecker, Ben Mendelsohn, Landyn Stewart, Eva Mendes, Reda Kateb, Matt Smith, Barbara Steele.

Le premier long-métrage de la star de Drive va vous emmener loin, très loin…

L'histoire se situe dans la banlieue de Detroit, ville dans laquelle nous suivons le quotidien de Billy, femme au foyer désargentée, élevant seule ses deux fils.
Pour s'en sortir, elle finit par accepter un travail de nuit dans un cabaret des plus étranges…

Pour appréhender au mieux l'univers du film, il est nécessaire de se pencher sur les influences et les motivations qui ont guidé le réalisateur : adolescent, Ryan Gosling a soudainement appris que la ville dans laquelle il vivait se situait juste au-dessus d'une ancienne ville engloutie. Il s'est alors mis à imaginer ce à quoi pouvait ressembler la dite ville recouverte par un lac artificiel…à quoi pouvaient ressembler les maisons disparues, où pouvait bien conduire tel chemin, cet escalier…Ce souvenir troublant ne l'a jamais quitté et s'est réactivé en lui lorsqu'il a découvert Detroit.

En effet, cette dernière, frappée par la crise économique de 2008 laisse apparaître maisons à l'abandon, bâtiments délabrés, buildings en ruines. Dans cette ville qui tombe en lambeaux et que la nature semble reconquérir, le futur n'existe plus. Detroit a cessé de respirer et on ne peut que tenter d'imaginer son activité lorsqu'elle était en pleine santé économique.

En faillite économique officielle depuis Juillet 2013, Detroit a plongé dans une grave crise financière et ce malgré l'implantation de trois grandes firmes automobiles - General Motors, Ford et Chrysler -. A cela se sont ajoutés la désindustrialisation, l'exode des classes moyenne ainsi que l'inaction de l'Etat du Michigan et du Gouvernement Fédéral qui ont inéluctablement entraîné la ville dans une catastrophe économique sans précédent.

Les plans de bâtiments en ruines, désaffectés, de maisons abandonnées au toit écroulé, de rues désertes font partie intégrante de Detroit et n'ont donc pas été spécialement créés pour le tournage. L'atmosphère et l'ambiance du film ainsi reflétées sont donc une réalité. Seul a été ajouté au scénario le souvenir marquant de Ryan concernant le lac artificiel qui recouvre une ville disparue par la construction d'un barrage.


Dans cette ville sinistrée et comme figée dans le temps, au milieu de maisons et d'immeubles désaffectés, quatre principaux personnages sont mis en lumière : une mère-courage, Billy, ses deux fils, Bones et Francky et Rat, la jeune fille voisine. Celle-ci s'occupe de sa grand-mère, devenue muette après la disparition de son mari dans la construction du barrage.

Tous ces êtres évoluent dans un cadre verdoyant et au milieu d'une ville-souvenirs qui a cessé de vivre.

Dans ce lieu comme envoûté - Rat parle d'une malédiction qui s'est battue sur la ville depuis la construction du barrage - les personnages semblent emprisonnés, pris au piège d'une nature omniprésente. Comme en perdition, ils paraissent désemparés, angoissés et apeurés comme Billy qui, face à la menace de destruction de sa maison se trouve bientôt à la merci d'un banquier aux intentions bien moins louables qu'elles n'y paraissent…
Aucune solution ne semble s'offrir à ces êtres, aucune aide extérieure ne paraît pourvoir intervenir.
Cernés par une nature inquiétante, ils sont comme la ville, livrés à eux-mêmes face à un monde hostile et déshumanisé.

Dans cette nature abondante, une menace plane, un danger rôde, mal incarné par un jeune mégalomane, Bully, impitoyable et ivre de fureur. Semant la terreur sur son passage, il s'est approprié la ville et se charge cruellement de le rappeler à ceux qui osent l'oublier.

L'isolement ainsi que le désespoir de ces personnages est perceptible, si bien que, d'abord troublé, le spectateur finit par être gagné par un certain mal-être ressentant directement cette atmosphère pesante et étouffante.



Bones et sa mère Billy sont confrontés tous les deux à un mal : pour l'un, il s'agira d'affronter Bully, le tyran local, pour l'autre, Dave, le banquier diabolique qui propose à Billy un emploi des plus louches...

Tandis que Bones tente de gagner un peu d'argent en revendant le cuivre trouvé dans les maisons et buildings à l'abandon, sa mère accepte un étrange travail de nuit dans un bar consacré à la réalisation de fantasmes macabres et pervers. Ces représentations mortifères font directement référence aux spectacles sanguinolents du café cabaret de l'Enfer ou du théâtre du Grand Guignol qui attiraient la bonne société à Paris à la fin du XIXème siècle.

L'obscurité des lieux, le climat malsain et glauque agissent comme un étau qui se resserre autour de Billy et du spectateur découvrant épouvanté certains spectacles indubitablement "gore" dont se délectent le public (présent dans la salle), littéralement en admiration devant ces célébrations macabres.

Au fil de ces soirées dédiées à la fantasmagorie et à la démesure, nous suivons petit à petit la descente aux enfers de Billy : nous finissons par plonger avec elle dans la noirceur la plus totale lorsque nous nous rendons dans les sous-sols du théâtre ; c'est avec stupeur et horreur que nous découvrons des femmes enfermées dans des "coquilles" - boîtes de taille humaine transparentes et aux formes féminines - devenant l'objet de tous les fantasmes interdits et des pulsions les plus primaires de l'homme.

Ryan Gosling nous offre une vision cauchemardesque, infernale qui heurte définitivement la conscience et l'esprit. Ce n'est plus seulement un mal-être que ressent le spectateur à présent mais surtout un dégoût profond pour ce qu'il voit et comprend, un écoeurement mêlé à un sentiment de révolte. Billy est aux prises avec le Mal et seul un sursaut de conscience pourra la sauver.

Au travers de la ville de Détroit, Ryan Gosling décrit un drame social et porte un regard très noir sur la société.


On notera la très belle scène de nuit entre Bones et Rat qui dansent tous deux au coeur d'un bâtiment désaffecté sous une lumière diaphane, scène qui apparaît comme un instant de trêve, une parenthèse enchantée et délicieuse volée au monde violent et brutal qui les entoure.


Comme tout cinéphile et cinéaste, Ryan a en tête des images, des séquences, des influences qui transparaissent plus ou moins involontairement dans son film : certains verront des clins d'oeil ou des références à Georges Franju pour Les Yeux Sans Visage, Dario Argento pour Suspiria ou Inferno, Abel Ferrara, Terrence Malick pour Tree Of Life, David Lynch pour Sailor Et Lula ou encore John Casavetes pour Meurtre D'un Bookmaker Chinois, David Cronenberg pour Vidéodrome, La Mouche.


Personnellement, je suis sortie mal à l'aise de la projection, ayant baignée pendant 1H30 heures dans cet univers pernicieux et sordide.

Lost River n'est pas un film grand public.
Lost River déroute, déstabilise, perturbe, bouleverse, choque et dégoûte. Mais c'est là son but. Il marque d'une empreinte presque indélébile la mémoire du spectateur.
Ryan Gosling livre un premier film débridé et nous entraîne avec ses personnages dans un univers halluciné à la hauteur de son imagination au travers de prises de vue et de plans non-conventionnels qui guident le spectateur vers des lieux insensés et loin de ce que le cinéma conventionnel lui donne à voir.

J'approuve cette manière d'aborder un film, faisant fi des modes et des habitudes cinématographiques.

Ce n'est pas un long-métrage, il s'agit d'une véritable et entière expérience cinématographique presque sensorielle.

"La seule chose que j'espère, c'est que mon film soit une expérience pour le public. Positive ou négative. Je comprends le rejet. Ce qui m'importe le plus, c'est que Lost River ait un effet sur les gens. Qu'il leur colle un peu à l'esprit. Le pire, ce serait un film que l'on regarde et que l'on oublie aussitôt." Ryan Gosling.



Note : Concernant, le tournage du film, celui-ci a été essentiellement réalisé sur pellicule 35 mm mais certaines scènes ont été tournées avec la caméra Red Epic de Ryan.
(Benoît Debie, directeur de la photographie et chef-opérateur a en effet réussi à convainque Ryan de tourner son film en argentique).

Note 2 : L'éclairage urbain faisant défaut à Detroit, Benoît Debie a dû imaginer une lumière qui n'existe plus pour tourner certaines scènes.

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